Le «travail»: un risque pour la santé
Jui.. 2014Travail et santé
Troubles de la santé associés au travail. Troubles de l’audition chez les agents d’entretien des routes, allergies aux substances chimiques chez les coiffeuses ou troubles pulmonaires causés par l’amiante chez les charpentiers: près de 3000 cas d’assurance de ce type, imputables à l’activité professionnelle, arrivent chaque année à la Suva. Si ces «maladies professionnelles» sont clairement définies, il existe un nombre x fois plus élevé de troubles provoqués aussi, mais pas uniquement, par l’activité professionnelle: ce sont les «troubles de la santé associés au travail». Les souffrances physiques et psychiques telles que le stress ou les douleurs dorsales ont considérablement augmenté ces dernières décennies. Leur prévention passe par une collaboration intense entre les employeurs, les spécialistes de la prévention et les assurances.
Si les maladies professionnelles peuvent être clairement imputées à l’activité professionnelle, il est extrêmement difficile d’identifier un lien de causalité précis pour les troubles de la santé associés au travail. Toute mesure ou même estimation du degré de responsabilité de l’activité dans un trouble de ce type est pratiquement impossible, car des dispositions individuelles ou des problèmes privés et sociaux peuvent également jouer un rôle déterminant. Ce qui est sûr, c’est que ces troubles de la santé associés au travail sont particulièrement fréquents dans la population active. Des enquêtes conduites auprès des actifs en Suisse révèlent que 18% souffrent de douleurs au dos liées au travail et 13% d’autres douleurs musculo-squelettiques dues au travail. L’étude conduite par le SECO sur le stress révèle une augmentation de 26% en 2000 à plus de 34% en 2010 de la part des actifs en situation de stress fréquente ou très fréquente. Le stress favorise toute une série de souffrances physiques et psychiques, troubles cardiovasculaires, l’épuisement professionnel ou dépression.
Hyperperformance, mais faible activité physique
Les troubles de la santé associés au travail augmentent pour des raisons évidentes: la pression imposée en termes de performance, de flexibilité et de rapidité du traitement des informations s’est accrue, et il est toujours plus difficile de séparer vie professionnelle et vie privée. L’augmentation des exigences et l’insécurité croissante dans la vie professionnelle favorisent un phénomène largement répandu: «la mise en danger de soi-même par intérêt». L’individu est prêt à sacrifier son bien-être physique à sa «carrière», par exemple en venant travailler alors qu’il est malade, en renonçant aux pauses, en étant joignable pendant les vacances ou en fournissant un grand nombre d’heures supplémentaires non payées. Des hyperperformances qui s’accompagnent toujours plus d’une prise de médicaments. 4% des personnes interrogées dans le cadre de l’étude du SECO reconnaissent avoir pris des stimulants pour accroître leurs performances physiques dans les douze derniers mois, et 4% encore avoir consommé des médicaments tels que la Ritaline pour accroître leur performance mentale ou améliorer leur humeur. Il est temps d’en appeler à la morale des entrepreneurs et des dirigeants pour prévenir leurs propres excès de travail et ceux de leurs collaborateurs en mettant en place une culture d’entreprise bienveillante et respectueuse des valeurs.
Pendant que la sollicitation mentale augmente, l’activité physique passe à la trappe, car le travail est exercé essentiellement en position assise. Deux raisons à cela: d’une part, le transfert des emplois du secteur industriel vers celui des services et, d’autre part, la progression de l’automatisation. Cette situation génère des douleurs musculo-squelettiques ou une surcharge pondérale qui, à son tour, favorise une série de maladies comme l’hypertension ou le diabète. Cette inactivité physique a également pour conséquence ce que l’on appelle le syndrome métabolique, soit un dysfonctionnement du métabolisme caractérisé par des valeurs élevées de glycémie et de lipides sanguins. L’inactivité accroît également le risque d’infarctus et d’apoplexie, mais aussi d’autres problèmes tels que le cancer du côlon et l’ostéoporose. De plus, les personnes trop sédentaires souffrent davantage de troubles psychiques tels que les épisodes dépressifs et les états anxieux. Or, des études démontrent que même une modeste augmentation de l’activité physique réduirait sensiblement ces risques pour la santé. Par exemple, le risque d’infarctus peut être pratiquement réduit de moitié par une activité physique supplémentaire et une dépense de 2000 à 3000 calories par semaine. Cela correspond à trois fois une heure de natation par semaine ou à une bonne demi-heure de course à pieds chaque jour.
Des coûts économiques qui se chiffrent en milliards
La différenciation opérée entre maladie professionnelle et trouble de la santé associé au travail a, en Suisse, des répercussions en termes d’assurance: les maladies professionnelles sont couvertes par la loi sur l’assurance-accidents et, donc, par des assurances telles que la Suva. Les troubles de la santé associés au travail, en revanche, dépendent de la loi sur l’assurance-maladie. En d’autres termes, c’est d’abord l’assurance de l’employeur qui intervient pour les coûts de santé et en second lieu la caisse-maladie de la personne concernée. Mais quel que soit le type de couverture d’assurance, les troubles de la santé associés au travail et les absences qui sont liées entraînent des pertes énormes pour les employeurs. Selon l’étude du SECO, le stress génère à lui seul des coûts annuels de près de 10 milliards de francs. Les douleurs dorsales coûtent entre 1,6 et 2,3% du produit intérieur brut à l’économie suisse. Il est donc d’autant plus important non seulement de réagir à ces troubles, mais aussi de les prévenir. Une prévention efficace suppose une interaction intensive entre les nombreux acteurs impliqués dans ce domaine.
La Suva, une pionnière de la prévention
Voici des années déjà que la Suva se préoccupe du phénomène des troubles de la santé associés au travail. Au travers du projet «Progrès», elle s’engage depuis 2002 pour le développement de moyens de prévention réalistes. Rares sont encore les entreprises qui disposent d’une véritable prévention de la santé en interne. Les moyens réservés aux mesures de prévention sont perçus la plupart du temps comme un facteur de coûts et non comme un investissement. De nombreux dirigeants sous-estiment les coûts des maladies et des accidents attribuables à l’activité professionnelle et surestiment les coûts de prévention. Démonter l’efficience de mesures de prévention et convaincre les employeurs doit passer par des preuves scientifiques. C’est la mission que s’est fixée le projet «Progrès» de la Suva (voir encadré). Un forum national de discussion auquel participent des représentants des milieux économiques, médicaux, de la prévention et des partenaires sociaux a lieu également chaque année et est consacré aux troubles de la santé associés au travail. Compte tenu de leur nature complexe, mettre en place en commun et de manière interdisciplinaire des mesures de prévention est le seul moyen d’endiguer la propagation des troubles de la santé associés au travail.
Projets supervisés par Progrès
– Étude destinée à définir une stratégie d’intervention pour les douleurs
musculo-squelettiques chroniques (EPFZ / Université de Lausanne)
– Étude sur l’équilibre entre activité professionnelle et vie privée (work life balance) et son impact sur la santé (EPFZ / Université de Zurich)
– Étude sur l’effet de l’entraînement par résonance stochastique
(Université de Berne / Haute École de Berne)
– Étude sur les différences culturelles dans la perception du stress avec pour
but d’élaborer des stratégies de communication optimale entre collaborateurs
et entreprises (Université de Lugano)
– Forums de discussion annuels réunissant une palette interdisciplinaire de
participants
– «Bouger, c’est possible»: concours lancé par la Suva pour promouvoir l’activité physique au poste de travail
– stressNOstress.ch: page d’accueil permettant d’effectuer un test pour apprécier
sa propre situation et informations sur la question (Université de Berne)
Liens
Contact
Regula Ricka, Politique de la santé, regula.ricka@bag.admin.ch